Questions existentielles :

La neige tombe doucement dans les villes, les cités, les rues. Sylvain rehausse ses lunettes et observe les flocons blancs qui tombent délicatement à proximité de son visage. Alors qu’il s’apprête à retirer ce flocon pour le faire disparaître dans la chaleur de sa main, une jeune femme s’accroche à son dos et lui sourit.

« Je t’ai enfin retrouvé ! » souffle-t-elle, visiblement épuisée par une course haletante pour retrouver Sylvain.

Ce dernier se retourne avant de poser sa main sur la tête de la jeune femme et de lui sourire.

« Ne t’inquiètes pas, je ne t’avais pas oubliée. »

« Heureusement maître. »

« Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça. Surtout en public ! » Râle Sylvain alors que tous deux s’approchent d’une grande bâtisse.

Une sorte de grande librairie, héritage de sa famille, dont les femmes sont des magiciennes qui ont été très puissantes. Chacune d’entre elles a donné naissance à une fille et finalement, lui, Sylvain, est né en tant que Magicien. Ou du moins apprenti Magicien. Il n’a pas les connaissances de ses aïeules, mais il en a les pouvoirs. Une puissance qui a permis à Léonore de sortir d’une épée, sa prison depuis des années.  Ils vivent tous les jours ensemble, l’une étant en quelque sorte l’employée et la servante de Sylvain et l’autre dominant étant son patron et son maître. Du moins, dans les écrits. Car en réalité, Sylvain ne souhaite nullement être un maître pour la jeune femme, mais plutôt un ami.

Hélas, à quelques jours de Noël, alors que tous deux entrent dans la bibliothèque fermée à clé pendant leur tour en ville, une ombre est présente près du guichet.

Sylvain ressent une forte aura autour de cette ombre qu’il n’arrive pas à distinguer pendant que Léonore se cache derrière Sylvain, tremblante de peur et de crainte d’être à nouveau enfermée.

« Qui êtes-vous ? Comment avez-vous pu entrer dans cette bibliothèque ? J’avais fermé à clé ! » Hurle Sylvain pour intimider l’interlocuteur.

« Vos petits verrous n’ont aucune emprise sur un magicien tel que moi. » répond l’ombre, d’une voix profonde, posée et grave.

À l’oreille, tout le monde peut penser que l’ombre est un homme d’un certain âge, peut-être portant une barbe et ayant de grandes connaissances. Malgré sa silhouette rectiligne et maigre, quiconque voyant cette silhouette peut penser qu’il est juste plus maigre que la moyenne. Mais l’ombre reste discrète et ne montre ni son visage, ni ses mains, ni une quelconque partie de son corps. Elle reste le dos tourné au propriétaire de la bâtisse et de sa fidèle épée.

« Je répète ma question ! Qui êtes-vous ? » Râle Sylvain visiblement en colère de savoir qu’il n’a pas affaire à n’importe qui. Il se doute qu’un jour ou l’autre il aura affaire aux gens du monde magique. Mais pas dans de telles conditions. Léonore lui a déjà expliqué qu’il devra faire un choix pour son avenir.

Sylvain voit Léonore qui continue de trembler de peur derrière lui et se demande s’il ne ferait pas mieux de fuir avec elle, d’essayer d’aller la protéger pour ensuite régler son compte à l’individu, ou du moins avoir le plus d’informations possible sur lui. Soudain une grande aura magique se fait ressentir, provenant de l’ombre, puis se dispersant sur les murs pour rejoindre portes et fenêtres, les clôturant d’un sceau magique.

« Vous ne pourrez pas sortir d’ici. Je vais vous poser une question à laquelle vous devez me répondre ce soir. » Murmure l’ombre.

Aussitôt la menace apparue, Sylvain se met à réciter quelques incantations pour faire apparaître des arcs électriques dans ses mains et pouvoir atteindre son adversaire, afin de l’éliminer et de leur permettre de sortir de ce lieu. Cependant, l’ouïe de l’ombre est fort développée. En entendant le début de l’incantation de Sylvain, l’ombre se retourne et fonce avec une rapidité extrême afin de plaquer sa main contre la bouche du jeune homme et de prononcer d’une traite une incantation qui rend Sylvain muet.

Enfin, l’ombre est en face de Sylvain et se laisse apercevoir. Malgré sa voix profonde et posée, l’ombre n’est pas un homme d’âge mur, mais un jeune adulte aux traits fins, la capuche laisse place à une longue chevelure orange feu qui tombe jusqu’au bas de son dos. Ses doigts sont aussi fins que ceux d’une femme et ses yeux violets laissent apparaître un regard empli de magie et de connaissance.

« Je n’ai pas le temps de me battre avec toi. Je dois juste savoir si oui ou non tu souhaites devenir un magicien ? Nous avons besoin de toi dans notre monde. Ou du moins dans nos deux mondes. Tu seras le portail pour faire renaître l’esprit de Noël chez les humains. La magie existe depuis des millénaires. Nous les hommes, nous avons appris en partie à la manipuler. Malheureusement, depuis le moyen-âge, ceux qui ne peuvent utiliser la magie ont voulu nous détruire, nous obligeant à quitter le monde des humains, vers celui des légendes et des contes. » Commence le jeune homme en retirant sa main de la bouche de Sylvain.

Sylvain essaye de parler, mais il se rend compte qu’il n’arrive pas à sortir le moindre son de sa bouche. Aucune parole, aucune intonation ne sort de ses cordes vocales.

Léonore se met juste devant son maître pour essayer de le protéger, mais le mal est déjà fait.

« Qui êtes-vous ? » répète Léonore.

« Excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Ceylian Feuerstein. Je suis magicien voyageur dans le monde des contes. Je viens à la rencontre des humains pour les aider dans leurs projets, et pour aider les légendes comme le père Noël à vivre. Car sans la croyance de ces enfants, de ces personnes, les mythes s’effacent et disparaissent. »

« Qu’est-ce que vous attendez de nous ? » demande Léonore à la place de Sylvain qui reste sous le coup du sort de mutisme.

« Je souhaite que votre maître apprenne des sorts pour permettre aux enfants de croire à nouveau à la magie et de faire lire nos légendes dans cette bibliothèque. Une fois qu’ils vont sortir en empruntant des livres et les montrant à d’autres. Je ne souhaite pas envahir ce monde, mais juste retrouver un équilibre et garder le nôtre en vie. » Souffle –t-il avant de sortir un livre de sa cape noire et le mettre devant Léonore et Sylvain.

« Si vous acceptez, mettez votre main sur le livre. Tous les deux. Ainsi un pacte sera scellé et vous apprendrez la magie. Sinon, soyez patient, une fois le sort estompé vous reprendrez votre vie normale, ou du moins ce qui vous paraît normal et vous n’entendrez plus jamais parler de nous. »

Sylvain réfléchit rapidement. Il est vrai qu'il ne croyait pas à la magie l'année dernière ou du moins, il a pensé que ce n'était que des histoires pour enfants. Mais finalement tout est réel.

Léonore met la main devant Sylvain afin de l'empêcher de faire le choix trop rapidement sans réfléchir.

"Il faut que tu saches, qu'une fois ce choix fait, tu ne pourras pas revenir en arrière. Il faut que tu réfléchisses bien."

Mais Sylvain a réfléchi et sans attendre il met sa main sur le livre et ressent les pouvoirs magiques l'envahir, tandis que Léonore pose aussi sa main. Cela ne dure que quelques secondes et finalement tout disparait. Les images de son passé en tant qu’enfant reviennent dans son esprit, ainsi que les légendes de Noël qui se bouscule dans sa tête, en cette période de l’année. Sylvain se met à prononcer quelques sons qui sortent enfin de sa bouche.

"Bien, nous allons remplir notre contrat. Le monde des légendes ne sera plus menacé. Noël va retrouver son aspect mystique."

Fin.